Rencontre L’éclosion d’une rose aux cent huit pétales
Dans les tracesde son père, Roseline Giorgisest « parfumeur paysan ». Les roses qu’elle cultivedans le Vaucluse,en Égypte eten Tunisie, deviennentdes eaux et des huiles précieuses.
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Par deux fois, la vie de Roseline Giorgis s’est effondrée. Toutefois, cette femme résiliente poursuit sa mission : transmettre l’art de la botanique des rosiers.
Née à Grasse (Alpes-Maritimes) il y a 67 ans, cette fille unique grandit entre fleurs et senteurs. Son père, Baptistin, est issu d’une famille de cultivateurs de plantes à parfum. Il travaille comme expert de l’extraction chez l’un des fournisseurs de la maison Guerlain. « En mai, j’avais le droit de me plonger dans les roses au pied des alambics », se souvient-elle. En secret des années durant, son père sélectionne les plants d’une rose centifolia, ayant la particularité de compter cent huit pétales, jusqu’à obtenir la fleur au parfum parfait, sucré, profond. Mais il décède brutalement quand sa fille a 14 ans. Roseline n’aura de cesse d’entretenir l’œuvre de Baptistin, emportant - jusqu’aux états-Unis et en Australie où elle a vécu - les rosiers de ce dernier.
Après ses études d’art, la jeune femme fait carrière comme prescripteur de couleurs pour des fabricants de peinture, et devient une experte des pigments naturels. Elle parcourt le monde pour visiter des mines d’opale et d’ocres, puis se spécialise dans la restauration de fresques d’art sacré. Mais en 2002, un grave accident de voiture la plonge dans le coma. Il lui faut deux ans pour se remettre debout. Sa passion pour les roses lui offre le salut.
Botaniste dans l’âme
Dans sa chambre d’hôpital, en Allemagne, ses rosiers attirent l’attention. Elle croise des botanistes et se forge une conviction : il lui faut créer des roses mais pas n’importe comment. Roseline cultive uniquement sur des pieds authentiques, en supprimant le porte-greffe. À Antibes, elle rencontre Catherine Ducatillon, de l’INRA, qui la convainc de faire breveter la rose de son enfance aux cent huit pétales très parfumés.
En 2009, la rose « Baptistine centifolia » éclot au grand jour. Cinq cents pieds sont plantés dans les jardins du Musée international de la parfumerie, à Grasse. L’obtentrice devient « parfumeur paysan », responsable de ses cultures et créatrice de parfums. À L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), elle produit deux à trois tonnes de fleurs par an, qu’elle distille pour obtenir l’huile absolue. Cette experte conseille aussi des roseraies en Égypte et en Tunisie et, désormais, des « Baptistines centifolia » poussent sur le continent africain.
Alexie Valois
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